Nadine Machikou
Ndzesop, « La compassion a appauvri l’Afrique ». le monde 17 août 2019.
Il existe à l’égard de l’Afrique un « impérialisme
compassionnel ». Trois moments de cet impérialisme : la colonisation,
l’appui au développement et l’ingérence humanitaire. La compassion est un
dispositif de pouvoir. Colonisation : Kipling « la fardeau de l’homme
blanc : était de sauver le corps et l’esprit noirs. De les civiliser, de les
nourrir, de les soigner. L’Afrique s ‘est trouvée enfermée dans un rôle d’éternelle
victime. Elle n’existe plus que dans ce regard compatissant. Certains Africains
acceptent d’entrer dans cette culture victimaire et l’utilisent par exemple pour
expliquer ils n’ont pas de démocratie forte. Par l’humiliation qu’elle suscite
chez celui la reçoit, la compassion a appauvri l’Afrique. Leur seule identité
est la souffrance. « Or il n’est pas possible de se construire dans la
passivité. Il faut opter pour une théorie de l’action. »
Il faut
refuser toute compassion impérialiste. Travailler sur la souffrance de nos
proches. Nous sommes moins émus par ce qu’il se passe chez nous que par les
catastrophes de l’Occident. Des chefs d’état africains sont venus défiler à Paris
contre le terrorisme mais que font-ils dans leur pays contre ce fléau ?
Ainsi parle Nadine
Machikou Ndzesop.
Cette notion « d’impérialisme
compassionnel » peut être élargie. Il a maintenu l’Irlande dans le
sous-développement économique, sociétale et culturel jusqu’au vingtième siècle. Jusqu’aux
années 1960 où une conception appelée « révisionniste » de leur
histoire a fait réfléchir. Le sous-développement était –il uniquement dû à l’impérialisme
britannique ou aussi à la passivité irlandaise ? Que les Irlandais qui s’enrichissaient allaient
investir leur argent à l’étranger, était-ce l’impérialisme ? L’adhésion
sans critique à une religion catholique qui redoutait par-dessus tout la
modernisation des mœurs et de l’économie, était-ce le résultat de l’impérialisme
britannique ?
D’autres
exemples d’ « impérialisme compassionnel ». Le terrorisme. Quand
il sévit chez nous, en France, dans une société démocratique développée, il
provoque des condamnations unanimes. Toutes les forces politiques, tous les
intellectuels, les églises, les associations, tous se retrouvent derrière la
condamnation. Quand le terrorisme tue en Irlande, en Corse, au Pays Basque, on
lui trouve des justifications, on se contorsionne, on manifeste avec les
terroristes, on parle de l’impérialisme espagnol et français. C’est le même
impérialisme compassionnel, un avatar de mépris colonialiste. Notre société
civilisée ne mérite pas le terrorisme. D’autres sociétés sont peut-être moins
développée, sont peut-être un petit peu Africaine, sous–développée, et le
terrorisme est la marque d’un sous-développement de la démocratie. Ce sont de
grands enfants qui jouent avec des allumettes.
D’autres
exemples : la langue. La langue basque a été réprimée par l’impérialisme
espagnol et l’impérialisme français. L’identité de la langue basque est l’oppression.
Pas la culture, l’oppression. Et les élus sont tous saisis par le même « impérialisme
compassionnel », il faut l’aider par tous les moyens. Mais l’apprendre, ça
c’est une autre histoire. C’est trop difficile trop long, alors que verser des
larmes humanitaires à l’égard de la langue basque est le raccourci le plus
commode pour montrer leur générosité.
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