Sur
le parvis de la Gare
du Midi, chaque année au mois de septembre, le festival du film
latino-américain de Biarritz attire les foules. Chaque année, un comité de
solidarité pour les prisonniers basques manifeste pour la libération des
prisonniers, demande le rapprochement près de leur famille, leur libération
pour raisons sanitaires. L’automne, pour moi, c’est ça. Ce n’est pas la chute
des feuilles, les nuages gris et les vents mauvais. C’est le festival latino et
la manifestation des patriotes basques. Cette année, 2012, je m’étais préparé.
Sur une feuille A4, je m’étais fabriqué une petite affiche, glissée dans un
classeur transparent pour la protéger de la pluie et des frisages. La
voici :
Oui au rapprochement, oui aux libérations anticipées.
Les prisonniers basques ont droit à la justice et à l’humanité que l’ETA a
refusées à ses victimes
J’entre
dans la salle du festival et j’en ressors vers dix-neuf heures. Ils sont là,
sur les marches, des grandes affiches qui servent tous les ans et un
manifestant avec un masque blanc couché sur le sol pour demander la libération
des prisonniers malades. Je sors mon affichette et je me range à côté des
manifestants. Pendant un long moment, rien ne se passe. Les passants ne lisent
pas mon texte, ils me rangent parmi les patriotes basques. Puis une dame prend
mon texte en photo. Une autre le lit et s’étonne. Enfin une manifestante
s’approche, me regarde sans sympathie, un autre manifestant s’approche, lit mon
texte, me demande fermement de dégager, comme je ne dégage pas, il m’arrache
mon affichette. Je lui cours après, je crie à la censure, Moscou, Pol Pot,
fascistes, heureusement que vous n’êtes pas au pouvoir, la manifestation bien
calme jusque là s’échauffe. Des gens s’approchent et m’expliquent que je ne
suis pas à ma place avec ce texte. Puis
Gaby Mouesca et Zigor, figures connues du nationalisme basque, militants de la
première heure, prisonniers, des amis avec qui je me dispute depuis des années,
viennent me protéger. Ils sont politiques et savent que surtout, il ne faut pas
que je devienne une victime. Parce que ça ferait tout basculer. Les victimes,
c’est eux. Surtout pas moi. Donc ils vont rechercher l’affichette, me la
rendent, disent que je peux continuer à manifester, mais que c’est une
provocation. Une provocation ? Je leur réponds pas du tout : je
demande comme eux le rapprochement, la libération des malades. Oui mais la
dernière phrase est une provocation ? Ah bon ? L’ETA a accordé
justice et humanité à ses victimes ? Je parle fort, bien sûr. Et je dis
très fort, en répétant : amnistie, pas amnésie. C’est un bon mort d’ordre.
Puis
je vais boire un verre de vin avec des amis et je retourne dans la salle voir
un film uruguayen sur un vieux bonhomme atteint d’Alzheimer. Il a complètement
oublié que pendant trente ans, il avait terrorisé sa famille.
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