L’instant et
la durée
Nous savons,
qui ne le sait pas, que les vraies mesures politiques n’auront d’effet que
beaucoup plus tard. Il faut combien d’années pour former des enseignants ?
Et des policiers ? Combien d’années pour changer les mentalités profondes
dans la justice, la santé, les soins, la répression ? Combien d’années
pour que les efforts et les investissements en formation, en recherche, aient
des effets sur l’emploi et le logement ? Mais chaque jour, les sondages
mesurent la popularité des dirigeants. Il faut faire avec. Les pays sans sondages
n’ont pas que des qualités. Dans ces pays, on méprise même les sondages grandeur nature que sont
les élections.
Regardez mon quartier. Depuis qu’il est
devenu quartier prioritaire de sécurité, la présence régulière de la police a
chassé les vendeurs à la sauvette autour des stations Barbès et Château Rouge.
Spectaculaire. Pour tout vous dire, je ne boude pas le plaisir quotidien
d’accéder aux bouches de métro sans être bousculé. Les sondages approuveraient
la présence policière à un fort pourcentage. Si on me posait la question :
approuvez-vous la présence policière dans le quartier qui permet de se déplacer
plus facilement Boulevard Barbès ? Je
répondrais sans doute oui.
Qu’est-ce qui est réglé dans la
durée ? Rien. Les usagers de drogue n’ont pas été chassés, ce qui prouve
une certaine discrimination positive dans l’action policière. Les vendeurs à la
sauvette attendent que les uniformes s’en aillent. Ils reviendront ou ils iront
ailleurs.
Les mesures durables ? La réflexion collective sur l’enseignement primaire et maternelle pour éviter une ghettoïsation
rampante. La construction de logements sociaux et de chambres d’étudiants. Le
centre Barbara qui est un lieu de
création artistique et musical en plein essor. Le nouveau centre Louxor qui
créera un foyer d’animation. La construction d’un nouveau lieu de réduction des
risques Boulevard de la Chapelle. Une réflexion en cours sur les centres de
consommation propres qui répondraient à la fois aux aspirations des habitants
et des usagers. Les urgences ? Reprendre le fonctionnement de la
bibliothèque de la Goutte d'Or. Intolérable qu’un tel lieu aussi intensément
fréquenté reste fermé pendant des années. Les urgences ? Que Vanoprix soit
enfin reconstruit au lieu d’insulter les habitants et les passants par l’étalage
d’une décharge publique.
Les sondages
mesurent l’instant, l’urgence est la durée.
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