Dimanche 2
septembre. La ville est à nous. Les quais du canal de l’Ourcq appartiennent aux
piétons, aux cyclistes, aux pousseurs de bébé, aux glisseurs sur planches, aux rouleurs
sur patins, aux joggeurs. Et le long de la Seine, entre dix heures et dix-neuf
heures, c’est pareil. Un enfant casqué roule à gauche et la foule sportive le
sermonne devant le père rouge de honte. Un pigeon écrasé rappelle la brutalité
de la voie rapide. Il gît en galette emplumée comme un épouvantail
efficace : les oiseaux ne reviennent pas le dimanche, il faudrait plus de
temps pour qu’ils reprennent possession des lieux. Bizarre cet autoroute qui
devient jardin de glisse, promenade pour familles recomposées, couples homos ou
hétéros, patineurs malins. Comme si un quartier de haute sécurité six jours par
semaine devenait le septième jour un centre de loisirs. Sans qu’on ait lessivé
les murs, sans qu’on ait balayé le sol. Une fois par semaine, Long Kesh deviendrait
le Club Med et Sing Sing une salle de sports.
Ce n’est qu’un
dimanche, un jour par semaine. Mais je vous en prie, faite le voyage. Passez à
pied ou à vélo devant l’île Saint-Louis, l’île de la Cité, les quais de la
Seine, la Conciergerie, le musée d’Orsay, débouchez sur la Concorde à l’heure
où les touristes piqueniquent sur les
murets comme une nuée de moineaux.
L’été est le
paradis des vélos. Des cyclistes. Des vélibistes. Il y en a partout. Les
stations sont fournies. Les postes libres sont légion. Les voitures jouent à
tamponne-car sur les autoroutes. Paris est à eux. Paris, c’est bien quand les
Parisiens sont partis.
Quand tout le
monde est revenu, les vacanciers et les expulsés, les salariés et les chômeurs,
les locataires, les propriétaires et les squatteurs, Paris se crispe sur les
courants quotidiens. Plus de place dans le métro, dans les bus, les poussettes
disputent l’espace aux caddies, les téléphones aux baladeurs. Le matin après
neuf heures, les stations vélib sont vides. S’il reste un ou deux vélos, c’est
comme le marché aux célibataires : s’il est encore seul et pas pris, c’est
qu’il a défaut. En arrivant à destination, c’est le contraire, plus une place
disponible. Pour s’en sortir, le secret est de prendre deux abonnements, ou de
nouer une relation durable avec un partenaire qui n’habite pas Paris, qui vient
de temps en temps, mais pas trop souvent, et qui vous laisse son abonnement
quand il ou elle n’est pas là. Avec vos deux cartes d’abonnement, vous pouvez
jouer à sortir un vélo, à le remplacer par un autre et ainsi le temps coule
moins vite. Attention ! Quand vous avez déjà un vélo, et que vous en
sortez un autre, prenez garde au voyou qui glisse son vélo dans l’espace ainsi
libéré et risque de vous laisser avec deux vélos sur le dos au lieu d’un. Les
Mormons et les Musulmans polygames se retrouvent parfois avec cinq ou six vélib sur les bras.
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