dimanche 23 septembre 2012

ZSP


            
            Le quartier où j’habite porte le nom de la Goutte d'Or. Il a été classé zone de sécurité prioritaire (ZSP) par le Ministère de l’intérieur. Ce classement fait suite à une demande du maire, Daniel Vaillant, et de l’adjointe à la sécurité, Myriam El Khomri. Je n’ai personnellement rien demandé. Moi, personnellement, je ne demande jamais rien ou sauf le minimum vital, genre médicaments, soins médicaux, affection familiale et amoureuse, quelques moyens de transport  et un frigo en état de marche. Je demande aussi du chauffage en hiver et de la brise en été, du linge propre, un vélo aux pneus ronds et fermes, un trottoir propre, accessible, sans voitures et sans caddy. Je demande aussi une caissière souriante, des individus qui ne se jettent pas sous le TGV Paris Bordeaux quand ils décident d’en terminer avec leur existence, alors qu’il y a tant d’autres lignes de TGV, de TER, sans compter les tramways et les métros tout aussi efficaces comme terminateurs. Je demande que les voyageurs ne hurlent pas dans leur téléphone que si tu voulais de la mousse à raser, tu pouvais te l’acheter toi-même et que le dossier échographie est dans le premier tiroir. Je demande aussi personnellement que les personnes âgées prennent un peu sur elles et me présentent une image de mon avenir un moins déprimante que souvent. Rien n’empêche une blouse repassée, des chaussures cirées, un coup de peigne, une douche et un nuage de parfum d’un marin qui lance son sac sur l’épaule en quittant sa belle, col marin impeccable. Genre. Je demande que les vendeurs à la sauvette, les fourgueurs de drogue, les survivants du désastre, choisissent sur la carte de la ville de manière moins paresseuse. Ce n’est pas parce que la Goutte d'Or a une longue tradition d’alcoolisme, de misère de rue, qu’ils ne peuvent pas avoir l’idée de s’installer en dehors de ses murailles. Qu’ils explorent la ville, le monde. D’autres avenues sont plus larges, plus accueillantes, ils peuvent installer leurs cartons et leurs lingerie contrefaite sans gêner le passage des piétons pressés. Ici, les trottoirs sont étroits, les rues étriquées, les échoppes débordent et la ligne de débordement est atteinte. S’il y un couvercle sur le quartier, la cocotte aurait déjà explosé. Comme il n’y a pas de mur, par toutes les issues, la vapeur comprimée s’échappe, réduit la tension et c’est à ces endroits précisément que le chaos est le plus durement ressenti, à l’intérieur, on se rend moins compte. 

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