Le
quartier où j’habite porte le nom de la Goutte d'Or. Il a été classé zone de sécurité
prioritaire (ZSP) par le Ministère de l’intérieur. Ce classement fait suite à
une demande du maire, Daniel
Vaillant , et de l’adjointe à la sécurité, Myriam El Khomri.
Je n’ai personnellement rien demandé. Moi, personnellement, je ne demande
jamais rien ou sauf le minimum vital, genre médicaments, soins médicaux,
affection familiale et amoureuse, quelques moyens de transport et un frigo en état de marche. Je demande aussi
du chauffage en hiver et de la brise en été, du linge propre, un vélo aux pneus
ronds et fermes, un trottoir propre, accessible, sans voitures et sans caddy.
Je demande aussi une caissière souriante, des individus qui ne se jettent pas
sous le TGV Paris Bordeaux quand ils décident d’en terminer avec leur
existence, alors qu’il y a tant d’autres lignes de TGV, de TER, sans compter
les tramways et les métros tout aussi efficaces comme terminateurs. Je demande
que les voyageurs ne hurlent pas dans leur téléphone que si tu voulais de la
mousse à raser, tu pouvais te l’acheter toi-même et que le dossier échographie
est dans le premier tiroir. Je demande aussi personnellement que les personnes
âgées prennent un peu sur elles et me présentent une image de mon avenir un
moins déprimante que souvent. Rien n’empêche une blouse repassée, des
chaussures cirées, un coup de peigne, une douche et un nuage de parfum d’un
marin qui lance son sac sur l’épaule en quittant sa belle, col marin
impeccable. Genre. Je demande que les vendeurs à la sauvette, les fourgueurs de
drogue, les survivants du désastre, choisissent sur la carte de la ville de
manière moins paresseuse. Ce n’est pas parce que la Goutte d'Or a une longue
tradition d’alcoolisme, de misère de rue, qu’ils ne peuvent pas avoir l’idée de
s’installer en dehors de ses murailles. Qu’ils explorent la ville, le monde.
D’autres avenues sont plus larges, plus accueillantes, ils peuvent installer
leurs cartons et leurs lingerie contrefaite sans gêner le passage des piétons
pressés. Ici, les trottoirs sont étroits, les rues étriquées, les échoppes
débordent et la ligne de débordement est atteinte. S’il y un couvercle sur le quartier,
la cocotte aurait déjà explosé. Comme il n’y a pas de mur, par toutes les
issues, la vapeur comprimée s’échappe, réduit la tension et c’est à ces
endroits précisément que le chaos est le plus durement ressenti, à l’intérieur,
on se rend moins compte.
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