dimanche 30 septembre 2012

Famines


Yang Jisheng, stèles, la grande famine en chine 1958-1962, paris, Seuil, 2012.


Libé 29 sept 2012. Recension de  Philippe Grangereau

            La grande famine en Chine 58-62 : inégalée dans le monde par son ampleur, bouleversante par ses actes d’anthropophagie et hautement criminelles car les campagnes ont été délibérément affamées par Mao Zedong. « Si nous laissons tous les paysans manger à leur faim…nous ne pourrons pas nous industrialiser, nous devrons réduire l’armée et ne pourrons bâtir une défense nationale ».

            36 millions sont morts de faim. Plus meurtrière que la seconde guerre mondiale qui a fait entre quarante et cinquante millions de victimes en Europe en Asie et en Afrique, sur sept ou huit ans. En Chine 36 millions sont morts sur une période de trois à quatre ans. Au pire de la famine, en janvier et février 1959 il y avait des réserves de céréales. La population campait autour des greniers : donnez nous à manger ! Les empereurs ouvraient leurs réserves en cas de pénurie. La direction du PC montait la garde autour des greniers. Le cannibalisme et la nécrophagie sont attestés par des rapports de police. Pour faire accepter cette politique, la violence de la répression était extrême : tortures, exécutions sommaires…

            La grande famine se met en place en 1958. L’objectif était de rattraper la production d’acier de la Grande-Bretagne. La population érige des millions de petits hauts fourneaux. Tous les  ustensiles de cuisine et les outils agricoles sont fondus ; Pour rien. Le métal est inutilisable. En même temps la petite propriété paysanne est abolie, les villages transformés en « brigades de production », les terres et le bétail sont saisies par l’état. Les habitants, expulsés de leur maison étaient regroupés en casernes, hommes d’un côté, femmes et enfants de l’autre. L’objectif était de détruire la cellule familiale. La cuisine individuelle était interdite.

            La grande famine reste encore un tabou en Chine. Le livre de Yang Jisheng a été publié à Hong Kong. Mais interdit sur le continent chinois. Officiellement : trois années de « catastrophes naturelles ». Mao est intouchable. Les manuels scolaires : parlent de « difficultés économiques ». Attribuées à des « erreurs de gauche ».

            Ça se passait entre 1958 et 1962. Six ans plus tard, votre serviteur recevait à dîner Maria-Antonietta Macciocchi, auteur de « De la Chine » qui donnait le modèle chinois en exemple pour la construction du socialisme. Six ans plus tard, votre serviteur donnait des cours   sur la Grande Famine en Irlande, dans les années 1840, la comparait à d’autres famines européennes ou africaines, mais pas à la famine en Ukraine des années 1930 ou en Chine du Grand Bond en avant.

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