Les voitures sur le trottoir. On
aura compris que je considère comme mes alliés les piétons et les cyclistes
alors qu’une partie d’entre eux se conduisent comme des brigands. On aimerait distinguer le piéton convaincu, endurci dans
son piétinement et le piéton intérimaire, qui n’est piéton que dans
l’intervalle de temps entre une course en voiture et un retour de vacances
automobile. Le vrai piéton n’est pas celui qui se considère en apnée chaque
fois qu’il ne conduit pas son engin meurtrier. Celui-là est un traître, il
s’arrête au passage piéton pour laisser passer les voitures, il trouve des
excuses aux infractions, aux dépassements, aux franchissements, aux
stationnements même pour handicapés, car un jour, après avoir tourné pendant
des heures, il a lui-même eu envie de se poser sur un fauteuil roulant. Quant
aux cyclistes, certains se conduisent comme des coureurs de formule 1 et se vengent
par leur agressivité des mauvais traitements subis dans la petite enfance. Leur
vélo, en fait, ne sont que des divans à roulettes. En fin de compte, tous sont sont
des frères, un peu tordus, mais des frères. Dans toutes les familles, il y a
des malades ou des affreux, ils font quand même partie de la famille. La
famille, c’est sacré. La Sainte Famille. La Sagrada
Familia.
Quand
les trottoirs sont étroits et qu’on ne peut pas poursuivre la route parce
qu’une voiture s’est garée et vous empêche de passer, que faire ? Vous
êtes piéton, pas cycliste. Vous ne disposez pas d’armes à feu. Ni de bâton
rayeur. Vous ne souhaitez pas subir ces colères rentrées causes d’ulcères à
l’estomac ou d’eczéma entre les doigts de pieds. Etes-vous impuissants ?
Non. Vous transformez ce conflit particulier entre un promeneur, vous, et un
véhicule habité, l’autre, en mouvement social structuré par l’espoir d’un monde
meilleur. Vous décidez de vous constituer en micro-manifestation, en parcelle
de révolte, en atome de rébellion, en particule de soulèvement populaire. La
révolution n’est plus à l’ordre du jour ? N’attendez pas, faites de votre
vie une prise de la Bastille en boucle, une barricade en construction. Foncez.
Rédigez un texte fondateur. « Si les
voitures occupent le trottoir, les piétons occuperont la chaussée ».
Pour le prix d’un billet de cinéma, vous commandez un tee-shirt avec cette
phrase imprimée. Qui peut varier. « Trottoir
occupé, piéton révolté ». « Voitures
sur trottoirs, voitures sur chaussée, voitures dans mon lit, où est la place du
piéton ? » « Si le chemin de Croix avait été une piste cyclable,
Jésus ne serait jamais arrivé au sommet du Golgotha ». « Un pneu ça
va, quatre roues, bonjour les dégâts ». « Vous vous garez où vous
voulez, Je marche où je peux ». Réunissez ceux qui partagent vos
combats et au cours d’une session de tourne-cervelle, lancez ainsi les slogans
en l’air, prenez les plus courts, les plus percutants. Imprimez-les sur un
tee-shirt et parcourez les pavés fièrement, les voitures ralentissent et lisent
le texte choisi, certains conducteurs comprennent et se marrent, d’autres
explosent leur moteur et écrasent leur sonnerie aux morts, en cas d’incendie,
laissez passer les pompiers.
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