mardi 17 décembre 2019

le soutien et le silence


Dominer, c’est obtenir le soutien ou le silence.



Encore une fois la communauté d’agglo du Pays Basque vote semble-t-il à l’unanimité un appel à manifester pour les prisonniers basques condamnés pour activités terroristes en bande armée. Le 11 janvier prochain. À manifester avec le makila. À manifester avec une arme. Car le makila est une arme d’autodéfense, me rappelle mon ami Jean Weber.

Encore une fois, je demande aux élus qui n’ont pas voté la motion de le dire. C’est d’une grande simplicité. Vous allumez votre écran et vous écrivez « je n’ai pas voté la motion appelant à manifester le 11 janvier avec un makila et je n’irai pas manifester ».

C’est tout.

Comme je suis l’un des rares à leur demander cette chose simple, et que je ne me lasse pas de le demander, vient le soupçon de dérangement mental. Si tout le monde est d’accord pour aller manifester le 11 janvier prochain, et si ceux qui ne sont pas d’accord pour aller manifester cachent leur désaccord, cela signifie que les Blanchisseurs de terreur dominent notre bout de territoire. Dominer, c’est obtenir le soutien ou le silence. Les Blanchisseurs dominent parce qu’ils obtiennent le soutien et le silence. Et ceux qui persistent à crier dans le désert et le silence sont un peu dérangés, non ? J’ai parfois l’impression qu’on me regarde curieusement. Vous le connaissez, non ? C’est celui qui pense que les artisans de la paix sont des blanchisseurs. Ah bon ? Mais c’est quoi les artisans de la paix ? Ils blanchissent quoi ? Les artisans de la paix appellent à une manifestation pour amnistier les prisonniers basques. Ah bon, il y a encore des prisonniers basques ? Pourquoi sont-ils en prison ? Qu’importe la raison, ils sont maintenus en prison par le pouvoir central et c’est un déni de justice et donc on va manifester avec un makila pour demander leur libération. Pourquoi un makila ? Un makila, c’est une arme d’autodéfense. Le Pays Basque est menacé par ceux qui maintiennent des prisonniers en prison. Vous ne comprenez pas ?

Je suis donc inquiet. Ce qui me rassure est qu’un petit groupe d’hommes et de femmes disent que mon combat est important. Pas nombreux, mais quand même. Ce qui me rassure aussi c’est l’appui, la sympathie, des gens qui ont vraiment subi la terreur d’ETA, les associations de victimes, les intellectuels comme Fernando Savater et Fernando Aramburu, des élues comme Maïté Pagazaurtundua. Des universitaires français comme Barbara Loyer qui savent de quoi je parle.

Ce qui me rassure aussi c’est le mouvement qui a emporté une honteuse sculpture (une hache, symbole de l’organisation terroriste), qui la fait rouiller dans un hangar et Jean-René Etchegaray est dans une colère permanente contre le petit groupe de militants antis séparatistes qui lui ont gâché la fête. Il les déteste. Il ne répond jamais à leurs lettres. Il refuse de discuter avec eux. Parce que son truc à lui, c’est l’unanimité. Si tout le monde est d’accord et que ceux qui ne sont pas d’accord se taisent, c’est qu’il a raison. Et il a vraiment construit une œuvre gigantesque. Il a fait croire à un pays en paix que nous étions en guerre et qu’il a rétabli la paix en mettant des armes rouillées dans la hotte du Père Noël. Et ces manifestants qui rouillent la sculpture, c’est juste une bande de dingues. Ils sont fous. La preuve c’est que tout le monde est d’accord avec lui. Sauf les étrangers cosmopolites. Des Basques espagnols, des intellos que personne ne connaît, le Prix Sakharov, c’est qui Sakharov ? Et le succès de Patria de Fernando Aramburu, a entièrement été organisé par des ONG étrangères, soutenus par l’Occident.



Ce qui me rassure aussi, c’est la prudence du président de l’agglo. Les motions de soutien à la teinturerie abertzale sont toujours présentées en fin de séance, quand une partie des élus est déjà partie, quand une autre partie range ses affaires et n’écoute plus. Jamais en milieu de séance où quelques bras cosmopolites et antipatriotes auraient pu se lever. Comme c’est dans le brouhaha de la fin, les élus qui ne sont pas d’accord disent qu’ils n’ont pas entendu la motion, ou qu’ils sont déjà partis. Bref, le confort s’installe. Ceux qui sont d’accord avec le blanchissage votent. Ceux qui ne sont pas d’accord disent qu’ils n’ont pas entendu la motion, qu’ils étaient déjà partis. Dans une conversation avec des antipatriotes, des cosmopolites, des agents de l’étranger, ils peuvent dire qu’ils n’ont pas voté.



Dominer, c’est obtenir le soutien ou le silence.



D’accord, et alors, de quoi je me mêle ? Je me mêle des affaires publiques. Parce que désormais, c’est ici, au Pays Basque français, que je vis et que je termine ma vie. Et les abertzale sont le sel de la politique au Pays Basque français. Il en faut juste une pincée pour que l’eau devienne imbuvable. Jamais assez d’écoles en langue basque. Il faut dans chaque mairie recruter des employés qui parlent basque. Il faut manifester avec les prisonniers, oublier leurs crimes et subventionner leur récit. La Catalogne, la Corse, sont d’ores et déjà contaminées par la division ethnique entre les vrais citoyens et les étrangers, les touristes, les Barisiens. Voyez les récits que mettent en avant les candidats : je suis un vrai biarrot, j’ai été bercé sur une planche de surf, mes enfants vont dans une ikastola, ma femme parle basque, je suis en couple avec une enfant du pays, et moi, les patriotes me disent : si tu ne plais pas ici, retourne à Paris. Les patriotes me demandent où je suis né. Où sont nés mes parents. Gare aux candidats qui n’ont pas de nom du terroir, où sont nés leurs parents ?

Voilà pourquoi je me bats. Parce que je vis ici. Parce les dernières années sont celles où l’on a un besoin urgent de tolérance, d’accueil ouvert, de présence au monde.

À côté de ça, excusez-moi mes amis trop prudents, quand vous me dites qu’il ne faut pas aborder ces sujets parce que vous allez perdre quelques voix aux élections, je me dis qu’on ne partage pas les mêmes enjeux.

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