mercredi 25 mars 2020

25 mars 2020


25 mars 20. Encore au moins quatre semaines de confinement. Si vous connaissiez des êtres intelligents vivant dans une autre planète et que vous deviez leur expliquer ce que signifie ce mot, vous leur diriez quoi ? Que d’habitude, les enfants sont envoyés dans des établissements scolaires pour apprendre à lire et à écrire, peut-être même à raisonner et à penser, à calculer et à comprendre d’autres langues que la leur. Que les professionnels qui assurent cette formation se nomment enseignants. Vous leur expliquerez que ces établissement sont fermés parce qu’un virus dangereux se promène dans les rues et les campagnes et que la manière la plus efficace de lutter contre ce virus est de limiter au maximum les rencontres, les sorties, les manifestations. Donc, sur cette planète terre, les spectacles, les défilés, les rencontres sportives, les manifestations pour et les manifestations contre, les cérémonies religieuses sont interdites et à la place de ces événements festifs, vous avez des images animées qui leur ressemblent mais ne les remplacent pas. Les personnes qui ne peuvent pas être confinées sont celles qui fournissent les produits de première nécessité : des abris contre la pluie et le froid, les moyens de transport pour se déplacer, des légumes et des viandes pour se sustenter, des personnels médicaux pour soigner les malades, surtout en cas d’épidémie. Et les journalistes radio et télé qui nous prouvent en parlant très vite que le monde continue de tourner.

Faut-il en conclure que grâce à ce virus, s’établit une hiérarchie des urgences et des nécessités ? Sont nécessaires les paysans et agriculteurs, pour que les calories produites permettent le renouvellement de la force de travail. Nécessaires les enseignants qui fournissent les outils indispensables pour la vie en société et le travail. Nécessaires ceux qui bâtissent et transportent. Nécessaires ceux qui soignent. Nécessaires ceux qui parlent dans un micro. Mais tous ceux que le confinement enferme pendant de longues semaines découvrent peut-être qu’ils ne sont pas nécessaires. Je prends un exemple au hasard. Je suis prof de fac retraité. Pendant une quarantaine d’années, j’ai réussi à persuader un nombre de personnes suffisant de me payer un salaire honnête, des voyages à l’étranger, des rencontres et des séminaires, sur les relations entre religion et guerre communautaires en Irlande du Nord. Le confinement m’indique que le monde continue de tourner sans ce travail de recherche. Et me demandent les habitants de la planète lointaine, y at-il d’autres métiers ou activités qui se révèlent non indispensables  à l’occasion de cette crise ? Hélas oui, des millions. Ne sont pas vraiment nécessaires les curés, les rabbins, les pasteurs, les chanteurs, les poètes, les comédiens, les petits commerçants, les musiciens, les greffiers, les administrateurs de bien, les banquiers, les soldats, les gourous. Tous confinés. Et on remarquera à l’occasion de ce confinement que ceux dont le travail est le plus nécessaire sont les plus mal payés.

Le confinement modifie les  hiérarchies. Sur notre terre, les applaudissements sont généralement réservés aux vedettes sportives, aux chanteurs. Voici que les confinés ouvrent les fenêtres pour applaudir le personnel soignant. Demain ils applaudiront les éboueurs, les pompiers, les maçons et les professeurs des écoles.

Pendant ce temps sont confinés des millions de personnes qui se rendent compte que le monde peut se passer d’eux. Ce n’est pas le confinement qui les rend tristes ou moroses ou de mauvaise humeur, c’est de se rendre compte que le monde peut se passer d’eux. Le peintre continue de se rendre dans son atelier, le pianiste fait ses gammes, le comédien répète son rôle.  En apesanteur.

Et demain, quand tout sera redevenu normal, tous ces gens qui ne servent à rien devront reconquérir leur place dans la société, trouver des arguments pour que les producteurs les entretiennent à nouveau et tout ce qui a mis des siècles à se mettre en place devra  à nouveau être retrouvé.

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