jeudi 7 avril 2011

faut-il un ennemi?

Les idées des partis identitaires en Europe, (sil n'y avait que le Front national…) s'appuient partout sur des inquiétudes, des incertitudes, des craintes qui sont une réalité politique. Ces inquiétudes, ces craintes, peuvent rester politiquement inertes ou devenir des questions politiques si elles sont mobilisées par des responsables. Responsables politiques: les différents partis de droite nationaliste en Suisse, Hollande, Hongrie, etc. Ces craintes peuvent aussi être légitimées par des institutions, des intellectuels, des théoriciens, des églises. C'est ainsi qu'on comprend pas la durée et l'intensité de l'antisémitisme en Europe si l'on ne prend pas en compte le fait que l'église catholique l'a légitimé dans ses sermons répétés pendant des siècles.
Pierre Menent fait partie de ceux qui estiment que ces craintes sont justifiées. Il les théorise, il les légitime. Que l'Europe est politiquement inexistante devant le danger d'une vraie menace contre sa civilisation, contre ses valeurs. L'immigration, l'adhésion de la Turquie, la délégation de son pouvoir militaire aux États-Unis font partie de cette démission. Si rien ne se passe, les pays européens auront des réactions de survie, fondée sur les "vieilles nations" et "la vieille religion" au singulier, singulier qui exclut peut-être le protestantisme, et certainement la religion juive.
Je fais partie de ceux qui pensent que ces craintes ne doivent pas être légitimées, mais combattues. Pas seulement leur utilisation politique, mais aussi leur contenu. Combattues par l'histoire, par le raisonnement, par l'expérience. Nous avons devant sous les yeux un exemple de ce combat nécessaire. Les révolutions dans les pays arabes. Les journalistes et les observateurs les plus sérieux (voir le dernier exemple Gilles Kepel, dans un entretien au monde daté 5 avril) disent que les peuples de ces régions ont fait avec l'Iran l'expérience des révolutions islamisées et qu'ils n'en veulent plus. Ç a ne veut pas dire que selon les pays, la situation peut évoluer vers le pire. Ça veut dire qu'il faut prendre au sérieux et encourager les aspirations démocratiques et laïques qui s'expriment pour le moment. Ne pas reprendre les musiques qui se jouent bien au delà de la droite traditionnelle selon lesquelles il y a incompatibilité entre démocratie à l'européenne et l'islam, et les Arabes, et les Africains.
Les premières nations au sens moderne sont effectivement les nations protestantes de l'Europe du nord. Comme toutes les nations, elles se construisent autant sur les valeurs communes que sur la dénonciation hystérique d'un adversaire réel ou supposé. L'adversaire de ces nations protestantes étaient l'église catholique. Mot pour mot, pendant des siècles, les nations protestantes ont dénoncé les "papistes" dont la religion ne pouvait pas s'intégrer, par essence, dans la démocratie, dans l'économie d'entreprise, dans la modernité. On retrouve cette même dénonciation, aux États-Unis à l'égard des immigrés irlandais dont le danger principal était qu'ils étaient catholiques, la religion de la soumission, de l'ignorance, de la régression, incapable de comprendre ni même de lire la déclaration des droits de l'homme. Il faut lire ou relire les pamphlets de l'époque et les juxtaposer avec les thèses de Pierre Menent. Juste pour réfléchir.
Parmi ceux qui ne pouvaient pas s'intégrer et qui représentaient un danger mortel, il y eut les Juifs en Europe. Les Noirs aux États-Unis (comment pouvait-on leur accorder le droit de vote sans porter un coup mortel à la démocratie américaine?), les Noirs en Afrique du Sud…
Voilà. Ce qui me m'inquiète, ce ne sont pas les adversaires ou les dangers désignés par Pierre Menent, mais le fait que ses inquiétudes soient si largement prises au sérieux.

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