Regagner les couches populaires
Le projet du PS a été voté à l'unanimité et dans cette assemblée de la section Chapelle Goutte d'Or, chaque militant présent en tire des conclusions contradictoires. Les orientations fondamentales seront décidées avec le choix du candidat. Renforcer l'Europe ou en sortir, protéger l'économie française ou mieux l'armer dans la compétition mondiale? Regagner les couches populaires parce que dit l'un les "bobos, on s'en fout". Les bobos, si on les perd, il n'y a plus de section socialiste de la Goutte d'Or, la salle se vide. Donc, les bobos, pour la section, c'est juste une question de vie ou de mort. Et si les bobos quittent la Goutte d'Or, le quartier devient un ghetto à la dérive. Dire "les bobos, on s'en fout", c'est lâcher les couches populaires. Regagner les couches populaires? On me dit que 30% des ouvriers et employés votent pour le Front national. Ce qui veut dire que 70% d'ouvriers et d'employés ne votent pas pour le Front national. Regagner les couches populaires, est-ce que ça veut dire regagner les 30% qui votent Front national ou regagner les 70% qui ne votent pas? Ce n'est pas pareil. Pour les premiers, la tentation est de s'adresser à eux avec un discours protectionniste caressant le sens des préjugés et des colères primaires, un mélange de mélanchonisme marchaisien et de pilage de verre cassé sur les murs des frontières nationales. Pour les autres, il faut parler et agir comme si les pauvres n'étaient pas plus cons que vous et moi.
Regagner les couches populaires, ce n'est surtout ne pas flatter les régressions vers toutes les formes de luddisme. Dans l'histoire, toutes les colères populaires sont devenus des mouvements, c'est à dire une action collective structurée par des buts communs, lorsqu'il y a eu alliance entre ces colères populaires et des personnes construisant un espoir collectif. Ces personne sont diverses. Dans les mouvements nationaux de libération, on trouve souvent des officier, des prêtres, des étudiants qualifiés, des enseignants, des poètes. Dans les mouvements ouvriers, on trouve des ouvriers qui se sont hissés par un effort gigantesque à une compréhension du monde et sont devenus ainsi de véritables intellectuels, ou des intellectuels qui sont devenus des dirigeants ouvriers par un effort gigantesque de compréhension du monde ouvrier. Tout le monde en connait la liste.
Ces réflexions ne sont pas historiques, elles sont politiques. A qui parle-t-on? Ainsi de l'immigration. Des militants dévoués, dont nombre de socialistes, consacrent un temps considérable à la défense des sans-papiers. Mais la majorité des issus de l'immigration ne sont pas des sans-papiers, ils ont leurs papiers, un travail, un logement et une tête. Et ils n'aiment que les "issus de l'immigration" soient vus comme s'ils étaient tous des sans-papiers qu'il faut "aider". Que fait-on pour la majorité des issus de l'immigration, pour la scolarité de leurs enfants, pour le logement de ceux pour qui ce n'est pas une urgence, mais une simple nécessité. Ceux qui sont devenus des bobos issus de l'immigration.
Les révolutionnaires purs et durs reprochaient aux mouvements féministes d'être des mouvements bourgeois parce qu'il étaient généralement dirigés par des femmes éduquées et autonomes, et pas souvent par des ouvrière d'usine. Ils reprochaient aux mouvements nationalistes d'être dirigés par des intellectuels ou des bourgeois des villes et guère par des paysans pauvres. Ils reprochaient aux syndicats d'être dirigés par des ouvriers qualifiés qui oubliaient les revendications des vrais prolétaires. Tous ces militants ont tiré la société vers le haut.
Regagner les couches populaires, ce n'est pas une activité de dames patronnesses, ce n'est pas vociférer sur les injustices, c'est chercher dans tous les domaines ceux et celles qui tirent la société vers le haut, syndicalistes, militants associatifs, enseignants, médecins, magistrats…les accompagner, leur donner les moyens de faire leur travail et leur donner une place de responsabilité au sein du PS.
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