mercredi 3 juillet 2019

figaro.fr 3 juillet 2019

«Ceux qui défendent l’ETA et Josu Ternera doivent aussi assumer leurs massacres»

«Ceux qui défendent l’ETA et Josu Ternera doivent aussi assumer leurs massacres»
Affiche de Josu Ternera, Pays basque, mai 2019. ANDER GILLENEA/AFP


Tribune signée par Maurice Goldring (professeur émérite) ; Barbara Loyer (professeure) ; Mario Vargas Llosa (prix nobel de Littérature) ; Fernando Savater (Philosophe) ; Fernando Aramburu (romancier) ; Benoit Pellistrandi (historien) ; Joseph Pérez (historien) ; Maite Pagazaurtúndua (député européenne) ; Béatrice Giblin (professeure émérite) ; Brigitte Pradier (conseillère municipale Biarritz) ; Kattalin Gabriel-Oyhamburu (politologue) ; Jean Espilondo (ancien maire d’Anglet) ; Francisco Javier Irazoki (écrivain) ; Thomas Habas, libraire Biarritz.

Dans une tribune publiée par Le Monde le 24 juin 2019, intitulée «Pour la paix au Pays basque, il faut soutenir Josu Urrutikoetxea», Gerry Adams (ancien président du Sinn Féin, vitrine politique de l’IRA) et Ronnie Kasrils (ancien membre de l’ANC) reprennent les mots et les idées qui légitiment la terreur infligée par l’ETA aux Espagnols jusqu’en 2011 (environ 850 morts). Ils postulent qu’il y a eu un «conflit» au Pays basque et que l’ETA a «déclaré unilatéralement la fin de violences en 2011», faisant revenir «la paix». Ils disent lancer «un appel à la France pour qu’elle soutienne les efforts de paix au Pays basque» et «libère définitivement» l’ancien chef l’ETA Josu Urrutikoetxea, alias Josu Ternera.
Les plaies sont à vif, les associations de victimes sont actives.
Ceux qui défendent aujourd’hui la cause de Josu Ternera ou qui demandent que l’on confère le titre de «politiques» à l’ensemble des prisonniers de l’ETA, peinent à légitimer les massacres, les rackets ou séquestration (Antonio Ortega Lara: 523 jours dans un trou de 3 mètres sur 2,4 et 1,8 de hauteur entre 1996 et 1997). Les plaies sont à vif, les associations de victimes sont actives. Pour contourner cette difficulté ils font appel à des signataires de la défunte IRA ou de l’ANC afin de justifier l’injustifiable. Les situations irlandaises et basques sont assez différentes. Mais si l’on souhaite vraiment les mettre sur le même plan comme le font cette tribune et d’autres, il faut alors rappeler que l’ETA et l’IRA ont en commun d’avoir voulu imposer par la terreur un point de vue minoritaire dans la communauté qu’ils prétendaient défendre. La majeure partie des victimes de l’IRA sont des catholiques d’Irlande du Nord, l’ETA a tué beaucoup de basques.
On veut nous faire croire que Josu Ternera serait un chef généreux ayant décidé par altruisme d’arrêter ce combat. La réalité est bien différente. Une armée qui abandonne les armes sans avoir rien obtenu est vaincue. L’ETA a perdu le soutien minoritaire dont elle disposait. L’action d’un État démocratique, la police et justice, ont créé une situation où le nombre de combattants emprisonnés dépassait de loin les clandestins. La société basque espagnole l’a rejetée par des manifestations de masse. Cette organisation n’a rien décidé «unilatéralement» comme on peut le lire trop souvent. Elle a été isolée, battue militairement et politiquement.
Josu Urrutikoetxea est poursuivi pour avoir organisé un attentat particulièrement meurtrier à Saragosse, le 11 décembre 1987 dans une caserne de gardes civils. Depuis plus de trente ans, les familles des onze tués dont six enfants et des 88 blessés attendent qu’un procès fasse la lumière sur ces crimes qui ont détruit leurs vies. Libéré par la justice française, il est à nouveau arrêté à la demande de la justice espagnole.
La majeure partie des victimes de l’IRA sont des catholiques d’Irlande du Nord, l’ETA a tué beaucoup de basques.
Josu Ternera a ensuite participé à des négociations, a rendu publique la dissolution d’ETA. Toujours en refusant de se présenter devant la justice espagnole (il est en fuite depuis 2002), justice d’un État démocratique. Il affirme ne pas être lié à cet attentat. Se présenter à la justice n’est pas preuve de culpabilité, mais fuir la justice n’est pas preuve d’innocence. Le président Emmanuel Macron l’a réaffirmé: réconciliation n’est pas amnistie des crimes.
Demander que justice soit faite, ce n’est pas s’acharner sur un homme malade, comme l’écrivent ceux qui demandent sa libération avant qu’il ne soit jugé, c’est contribuer à dissiper les ombres d’un long cauchemar. C’est respecter les victimes de l’ETA et le combat de la société espagnole pour défendre la démocratie.

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