Détermination
Je ne peux pas parler des endroits du monde
que je ne connais pas. Mais je peux parler de certains endroits et de certains
moments de mon histoire pour suggérer des leçons politiques. D’en tirer un
principe politique. Pour tenter de réfléchir. Après tout, la politique, sans
quelques moments de réflexion, n’est qu’une sale petite manie.
Je veux parler aujourd’hui du mot
détermination. J’ai souvent constaté que dans les joutes politiques, mouvements
sociaux, élections… l’emportent souvent ceux qui font preuve de la plus grande
détermination. Pas forcément ceux qui ont les meilleurs arguments, la plus
grande expérience. Non. Juste ceux qui sont les plus déterminés. Les autres ont
les meilleurs raisons du monde, mais ils perdent parce qu’ils sont moins
déterminés.
Dans le combat d’après-guerre entre
socialistes et communistes, les plus déterminés étaient les communistes. Le
parti de la classe ouvrière, le parti des 75000 fusillés, les militants
socialistes étaient paralysés. Tétanisés. Pour moi, le point de rupture fut un
débat télévisé entre Lionel Jospin et Georges Marchais. C’était l’époque de l’abandon
du programme commun. Georges Marchais était évidemment le secrétaire du parti
de la classe ouvrière. Il était métallo. Il parlait brut, comme un ouvrier
parisien. Il dénonçait en Lionel Jospin un parti embourgeoisé, entraîné vers la
droite. Je suis un ouvrier, moi, disait-il haut et fort dans le micro. A ce
moment, Lionel Jospin lui pose la question qui tue : « Monsieur
Marchais, depuis combien de temps vous n’avez pas mis les pieds dans une
usine ? Moi, j’arrive à ce débat après avoir fait cours dans un IUT, je
suis salarié. Et vous depuis combien de temps vous avez cessé d’être
salarié ? ». Marchais se tut, ça ne lui arrivait pas souvent. Jospin
avait gagné. Il avait dénoncé l’imposture de celui qui prétendait
« représenter » la classe ouvrière. On ne disait pas le peuple à ce moment-là,
on disait la classe ouvrière.
Plus tard, j’ai connu les assemblées
générales enfiévrées dans les amphis. Toujours l’emportaient les plus radicaux,
jusqu’auboutistes. Il était difficile de présenter une opinion différente. Les
grèves étaient toujours générales et illimitées. Si un présent objectait que
trois cents personnes dans un amphi ne
pouvaient peut-être pas décider pour trente mille étudiants et personnel, il se
faisait huer, traître, fasciste, défaitiste… Les partisans d’une certaine
modération quittaient les assemblées « générales » ou se taisaient.
Dans les quartiers populaires de l’est
parisien où je résidais, j’ai constaté la même règle. Mes amis d’Afrique du
Nord étaient pour la plupart non religieux ou musulmans très modérés. Mais ils
n’allaient pas souvent affronter les intégristes militants qui étaient d’une
détermination sans faille.
La démonstration pourrait se poursuivre avec
le Royaume-Uni et les partisans du Brexit qui affrontent des adversaires d’une
extrême mollesse. En Pologne, en Hongrie, les nationalistes dominent par
l’arrogance et la détermination ;
J’ai enfin abouti au Pays Basque français. Je
constate la même règle. Dans un territoire où dominent des républicains qui
refusent le nationalisme basque, les plus déterminés sont les séparatistes, ils
se battent sans répit pour la langue, pour le blanchissage d’ETA, pour
l’amnistie des criminels. Avec l’aide de leurs alliés espagnols, ils
manifestent, ils pétitionnent, ils conférencent de presse. Ils entraînent avec
eux ceux qui pensent les calmer en ne leur refusant pas leurs sucettes. La
majorité se tait, parce que prendre position est trop difficile. Les modérés ne
sont pas aussi déterminés que les séparatistes.
Ce que j’ai appris dans ces diverses expériences,
c’est que les plus déterminés comptent sur le silence ou la résignation. Ils
sont complètement désarçonnés quand ils se heurtent à plus déterminés qu’eux.
De quel droit serait-il aussi déterminés que nous alors que notre cause est
juste ?
C’est ainsi qu’en France et en Espagne, le
populisme se heurte à des adversaires d’une grande détermination qui
réussissent à les contenir. Au Pays Basque espagnol, le débat fait rage et les
populistes basques sont à la peine. Au Pays Basque français, les séparatistes
commencent à se heurter à d’autres déterminations. Ils sont étonnés, il faut
les comprendre, ils n’ont pas l’habitude.
N’hésitez pas, prenez la parole, écrivez,
participez, donnez votre avis. Vous n’êtes jamais seuls. Vous pourrez avoir
parfois l’impression d’être seuls, mais vous verrez que la détermination est
entraînante.
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