mardi 4 juin 2019

détermination


Détermination



Je ne peux pas parler des endroits du monde que je ne connais pas. Mais je peux parler de certains endroits et de certains moments de mon histoire pour suggérer des leçons politiques. D’en tirer un principe politique. Pour tenter de réfléchir. Après tout, la politique, sans quelques moments de réflexion, n’est qu’une sale petite manie.

Je veux parler aujourd’hui du mot détermination. J’ai souvent constaté que dans les joutes politiques, mouvements sociaux, élections… l’emportent souvent ceux qui font preuve de la plus grande détermination. Pas forcément ceux qui ont les meilleurs arguments, la plus grande expérience. Non. Juste ceux qui sont les plus déterminés. Les autres ont les meilleurs raisons du monde, mais ils perdent parce qu’ils sont moins déterminés.

Dans le combat d’après-guerre entre socialistes et communistes, les plus déterminés étaient les communistes. Le parti de la classe ouvrière, le parti des 75000 fusillés, les militants socialistes étaient paralysés. Tétanisés. Pour moi, le point de rupture fut un débat télévisé entre Lionel Jospin et Georges Marchais. C’était l’époque de l’abandon du programme commun. Georges Marchais était évidemment le secrétaire du parti de la classe ouvrière. Il était métallo. Il parlait brut, comme un ouvrier parisien. Il dénonçait en Lionel Jospin un parti embourgeoisé, entraîné vers la droite. Je suis un ouvrier, moi, disait-il haut et fort dans le micro. A ce moment, Lionel Jospin lui pose la question qui tue : « Monsieur Marchais, depuis combien de temps vous n’avez pas mis les pieds dans une usine ? Moi, j’arrive à ce débat après avoir fait cours dans un IUT, je suis salarié. Et vous depuis combien de temps vous avez cessé d’être salarié ? ». Marchais se tut, ça ne lui arrivait pas souvent. Jospin avait gagné. Il avait dénoncé l’imposture de celui qui prétendait « représenter » la classe ouvrière. On ne disait pas le peuple à ce moment-là, on disait la classe ouvrière.

Plus tard, j’ai connu les assemblées générales enfiévrées dans les amphis. Toujours l’emportaient les plus radicaux, jusqu’auboutistes. Il était difficile de présenter une opinion différente. Les grèves étaient toujours générales et illimitées. Si un présent objectait que trois cents personnes dans  un amphi ne pouvaient peut-être pas décider pour trente mille étudiants et personnel, il se faisait huer, traître, fasciste, défaitiste… Les partisans d’une certaine modération quittaient les assemblées « générales » ou se taisaient.

Dans les quartiers populaires de l’est parisien où je résidais, j’ai constaté la même règle. Mes amis d’Afrique du Nord étaient pour la plupart non religieux ou musulmans très modérés. Mais ils n’allaient pas souvent affronter les intégristes militants qui étaient d’une détermination sans faille.

La démonstration pourrait se poursuivre avec le Royaume-Uni et les partisans du Brexit qui affrontent des adversaires d’une extrême mollesse. En Pologne, en Hongrie, les nationalistes dominent par l’arrogance et la détermination ;

J’ai enfin abouti au Pays Basque français. Je constate la même règle. Dans un territoire où dominent des républicains qui refusent le nationalisme basque, les plus déterminés sont les séparatistes, ils se battent sans répit pour la langue, pour le blanchissage d’ETA, pour l’amnistie des criminels. Avec l’aide de leurs alliés espagnols, ils manifestent, ils pétitionnent, ils conférencent de presse. Ils entraînent avec eux ceux qui pensent les calmer en ne leur refusant pas leurs sucettes. La majorité se tait, parce que prendre position est trop difficile. Les modérés ne sont pas aussi déterminés que les séparatistes.

Ce que j’ai appris dans ces diverses expériences, c’est que les plus déterminés comptent sur le silence ou la résignation. Ils sont complètement désarçonnés quand ils se heurtent à plus déterminés qu’eux. De quel droit serait-il aussi déterminés que nous alors que notre cause est juste ?

C’est ainsi qu’en France et en Espagne, le populisme se heurte à des adversaires d’une grande détermination qui réussissent à les contenir. Au Pays Basque espagnol, le débat fait rage et les populistes basques sont à la peine. Au Pays Basque français, les séparatistes commencent à se heurter à d’autres déterminations. Ils sont étonnés, il faut les comprendre, ils n’ont pas l’habitude.

N’hésitez pas, prenez la parole, écrivez, participez, donnez votre avis. Vous n’êtes jamais seuls. Vous pourrez avoir parfois l’impression d’être seuls, mais vous verrez que la détermination est entraînante.

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