Ils
ne peuvent pas s’en empêcher
Nos
sociétés sont de moins en moins violentes. Les sociétés occidentales n’ont
jamais été aussi paisibles. Mais le sentiment de la violence domine. Les homicides diminuent régulièrement en nombre.
(1600 meurtres par an en moyenne au milieu des années 1990, contre 845 en 2018.
Les vols avec violence diminuent depuis 2014. Les chiffres baissent. Ce qui monte,
c’est l’intolérance à l’égard de ces actes. (Le monde, 19 juin 19).
La
passion pour les faits divers, les magazines spécialisés, les rubriques en
forte croissante dans les journaux dits de qualité, les feuilletons policiers,
les romans noirs, participent de cette contradiction. Moins la société est
violente et plus spectaculaire est la représentation d’une sauvagerie désormais
exotique.
L’une
des raisons de la persistante peur à l’égard d’une « violence extrême »
est son utilisation par les dirigeants politiques. Marine Le Pen dénonce « l’ensauvagement
de la société » ou le « terrorisme au quotidien ». Dans son
discours de politique générale, Edouard Philippe annonce un plan pour lutter
contre les « violences gratuites », car « les Français n’en
peuvent plus des coups de couteau donnés pour un mauvais regard ou des
batailles rangées entre bandes rivales ».
Le
premier devoir d’un état est d’assurer la sécurité des citoyens, la protection
de leur intégrité physique et de leurs biens. Il est donc inévitable que les
responsables de cet état intègrent la peur dans leur discours. Certains l’utilisent
comme on brandit un drapeau. Personne ne dit : la société est plus
paisible. Si votre voisine est physiquement agressée par des cambrioleurs, le
maire qui vient la réconforter ne peut pas lui dire ; « les vols avec
violence diminuent depuis 2014).
A nouveau,
on nous présente des images de violence, d’agressions, de deal, toujours dans
les mêmes endroits, à Paris, Barbès, La Goutte d'Or et la Chapelle, Saint-Denis dans la banlieue, Marseille, les
quartiers nord. Les élus appellent la police, demandent le recours à l’armée,
des policiers en permanence, partout, devant les écoles. Quand j’habitais la Goutte
d'Or, je ne me souciais guère des statistiques. Je voyais les dealers, les
consommateurs, les vendeurs à la sauvette de cigarettes et de contrefaçons. Je
rendais visite à des amis dans les beaux quartiers et je me disais que dans ces
beaux quartiers, jamais on ne tolérerait ce que je voyais dans ma rue plus de
dix minutes.
Je
connais le raisonnement. Il est juste. C’est la misère qui doit faire peur, pas
les pauvres. C’est l’addiction qui doit faire peur, pas les usagers. Mais
comment tu fais, quand tu es dans le chaudron ?
Tu regardes
autour de toi, dans l’histoire toute récente. Tu cherches en Europe occidentale
des sociétés qui ont vécu des dizaines d’années dans la terreur, dans la
soumission aux bandes armées. Comment ces sociétés ont-elles surmonté la
terreur, leur peur, comment ont-elles réussi à vaincre les responsables de
cette terreur ? Il y a peut-être des leçons à en tirer pour nos sociétés.
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