lundi 24 juin 2019

la peur


Ils ne peuvent pas s’en empêcher



            Nos sociétés sont de moins en moins violentes. Les sociétés occidentales n’ont jamais été aussi paisibles. Mais le sentiment de la violence domine. Les  homicides diminuent régulièrement en nombre. (1600 meurtres par an en moyenne au milieu des années 1990, contre 845 en 2018. Les vols avec violence diminuent depuis 2014. Les chiffres baissent. Ce qui monte, c’est l’intolérance à l’égard de ces actes. (Le monde, 19 juin 19).



            La passion pour les faits divers, les magazines spécialisés, les rubriques en forte croissante dans les journaux dits de qualité, les feuilletons policiers, les romans noirs, participent de cette contradiction. Moins la société est violente et plus spectaculaire est la représentation d’une sauvagerie désormais exotique.



            L’une des raisons de la persistante peur à l’égard d’une « violence extrême » est son utilisation par les dirigeants politiques. Marine Le Pen dénonce « l’ensauvagement de la société » ou le « terrorisme au quotidien ». Dans son discours de politique générale, Edouard Philippe annonce un plan pour lutter contre les « violences gratuites », car « les Français n’en peuvent plus des coups de couteau donnés pour un mauvais regard ou des batailles rangées entre bandes rivales ».



            Le premier devoir d’un état est d’assurer la sécurité des citoyens, la protection de leur intégrité physique et de leurs biens. Il est donc inévitable que les responsables de cet état intègrent la peur dans leur discours. Certains l’utilisent comme on brandit un drapeau. Personne ne dit : la société est plus paisible. Si votre voisine est physiquement agressée par des cambrioleurs, le maire qui vient la réconforter ne peut pas lui dire ; « les vols avec violence diminuent depuis 2014).



            A nouveau, on nous présente des images de violence, d’agressions, de deal, toujours dans les mêmes endroits, à Paris, Barbès, La Goutte d'Or et la Chapelle,  Saint-Denis dans la banlieue, Marseille, les quartiers nord. Les élus appellent la police, demandent le recours à l’armée, des policiers en permanence, partout, devant les écoles. Quand j’habitais la Goutte d'Or, je ne me souciais guère des statistiques. Je voyais les dealers, les consommateurs, les vendeurs à la sauvette de cigarettes et de contrefaçons. Je rendais visite à des amis dans les beaux quartiers et je me disais que dans ces beaux quartiers, jamais on ne tolérerait ce que je voyais dans ma rue plus de dix minutes.



            Je connais le raisonnement. Il est juste. C’est la misère qui doit faire peur, pas les pauvres. C’est l’addiction qui doit faire peur, pas les usagers. Mais comment tu fais, quand tu es dans le chaudron ?



            Tu regardes autour de toi, dans l’histoire toute récente. Tu cherches en Europe occidentale des sociétés qui ont vécu des dizaines d’années dans la terreur, dans la soumission aux bandes armées. Comment ces sociétés ont-elles surmonté la terreur, leur peur, comment ont-elles réussi à vaincre les responsables de cette terreur ? Il y a peut-être des leçons à en tirer pour nos sociétés.

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